En optimisant les enquêtes criminelles sur les animaux, des experts britanniques ont pour objectif de diminuer les crimes réorientés vers les humains
Voilà que la médecine forensique s’élargit aux animaux ! Entendez par là, la médecine judiciaire appliquant une démarche scientifique, en d’autres termes, la médecine légale appliquée à la criminologie.
En effet, la première unité dédiée à la lutte contre les crimes envers les animaux vient d’être intégrée à l’Ecole de Médecine Vétérinaire de l’Université de Surrey au Royaume-Uni. Une première en Europe ! Ce pôle spécialisé baptisé ArroGen Veterinary Forensics a pour mission de fournir des preuves détaillées aux forces de police ou à la Royal Society for the Prevention of Cruelty to Animals (RSPCA). Le but est de pouvoir apporter, suite à un crime impliquant des animaux, une vraie expertise débouchant sur l’interpellation du (des) suspect(s). En optimisant les preuves scientifiques faisant souvent défaut dans ces circonstances, les enquêteurs espèrent ainsi accroître leur taux de réussite.
Un centre médico-légal pluridisciplinaire
A côté du service de pathologie vétérinaire légale capable de déterminer par leurs méthodes et outils diagnostiques des données telles que la cause du décès, d’estimer sa date, ou encore de collecter des échantillons et des preuves, plusieurs autres disciplines médico-légales oeuvrent en parallèle.
Pour exemple, un expert enquête sur le lieu du crime afin de n’exclure aucune preuve, et les marques laissées sur la scène du crime sont analysées, les enregistrements des caméras de surveillance sont passés au crible et un service de biologie analyse les fluides corporels ainsi que l’ADN de l’animal. De même, la médecine légale environnementale ou encore la balistique peuvent être sollicitées pour renforcer le niveau d’ expertise.
Une aide complémentaire pour la lutte contre les comportements criminels envers les humains
L’équipe du ArroGen Veterinary Forensics est multidisciplinaire, elle réunit des vétérinaires et des spécialistes ayant déjà des compétences médico-légales au sein de la justice pénale britannique.
La direction du centre a été confiée au Dr Alexander Stoll, Vétérinaire chargé de recherche en pathologie vétérinaire à l’Université de Surrey et au Dr Jo Millington, Médecin légiste en chef, également Directrice scientifique.
L’objectif commun des experts est de modifier de manière globale les comportements criminels, car l’animal maltraité peut aussi permettre de dévoiler une autre victime, humaine cette fois. Comme l’indique Alexander Stoll : « La cruauté envers les animaux est de mieux en mieux documentée et peut être considérée comme un élément constitutif des violences domestiques. Il y a de plus en plus de preuves indiquant que les personnes qui s’attaquent aux animaux sont plus susceptibles de s’en prendre aux humains. Nous souhaitons ainsi travailler en collaboration avec différents services pour aborder le problème de l’augmentation des comportements criminels envers les animaux s’orientant ensuite vers les humains ». Ainsi, la lutte anticriminelle, en englobant les animaux à travers la création du centre ArroGen Veterinary Forensics permettrait d’optimiser de manière innovante l’efficacité du programme de justice sociale britannique.
Une pierre de plus à l’édifice du bien-être animal
Lors de la Conférence triennale de l’International Association of Human-Animal Interaction Organizations (IAHAIO) de l’année dernière, David Fraser, Chercheur en bien-être animal nous invitait en tant qu’humains attentifs, à bien nous comporter envers les animaux et plus particulièrement à développer une éthique du « prendre soin ».
Comme le chercheur l’a indiqué à cette occasion, cette dernière s’inscrit naturellement dans l’histoire de notre relation à l’animal qui a commencé à l’époque des cueilleurs-chasseurs. Avec la domestication puis l’élevage des animaux de rente et leur exploitation, les dérives criminelles envers les animaux ont émergé et progressivement abouti à la création des premières associations anti-cruauté.
S’en est suivie dans les années 1960, l’émergence du concept de bien-être animal notamment avec l’industrialisation des productions animales. Pour le chercheur, après la conception du « One Health » c’est-à-dire « une seule santé », c’est bien celle du « One Welfare » ou « Prendre soin » qui constitue le corollaire indispensable de la connaissance du comportement animal en général.
C’est dans ce contexte que l’initiative singulière du premier centre européen de médecine forensique animale, ArroGen Veterinary Forensics peut contribuer à améliorer concrètement le bien-être animal, ce dernier étant plus présent que jamais dans les esprits même si tous les combats ne sont pas encore gagnés. Par ailleurs, elle trouve sa place dans la culture du « One Welfare » évoquée précédemment puisqu’elle peut aussi permettre de renforcer le cercle vertueux de la relation bienveillante unissant l’Homme à l’animal. Enfin, cette initiative concrète illustre aussi parfaitement la phrase de clôture du discours de David Fraser, qui disait : « Together we are whole » (Ensemble nous formons un tout).
Docteur Laurence Dillière Lesseur, Vétérinaire Comportementaliste
Diplômée de l’École Nationale Vétérinaire d’Alfort, titulaire du Diplôme Inter-Ecoles de Vétérinaire Comportementaliste et cofondatrice du site Catedog.com
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