Comment gérer le passage délicat de la puberté chez le chien
Chez l’Homme, on a l’habitude de parler de puberté pour désigner la période qui sépare la période de l’enfance de l’âge adulte. Le mot « puberté » désignant, sous l’influence des hormones notamment, les changements que subit l’individu tant sur le plan physique que psychique. Cependant, à la puberté, la souffrance individuelle générée chez certains jeunes plus que d’autres débouche sur une véritable crise d’adolescence faisant de cette période une phase critique que l’entourage doit également apprendre à gérer. Ceci d’autant plus que l’adolescent vulnérable est davantage exposé à des troubles de l’humeur ou à des conduites à risque.
Pourquoi peut-on établir un parallèle en parlant aussi d’adolescence chez le chien ?
Dans son dernier congrès interdisciplinaire entre praticiens de médecine humaine et vétérinaire, Zoopsy, l’Association française de Vétérinaires Comportementalistes a fait le point !
Les larges progrès des neurosciences de ces dernières années ont démontré que les capacités cognitives des animaux sont bien plus étendues que ce que nous imaginions. Au delà du concept d’être sensible, la souffrance psychique, l’intelligence, la conscience, sont à présent reconnues comme des données sans faille chez l’animal.
Le chien adolescent ne subit pas que des modifications physiques, mais une maturation psychique et comportementale influencée comme chez l’Homme par différents facteurs.
Quels sont les conseils les plus importants à retenir pour gérer au mieux cette période également délicate chez nos compagnons canins ?
La métamorphose du lien d’attachement chez le chien adolescent
L’attachement sert avant tout à surmonter la peur pour favoriser des relations positives avec les autres. Il fait donc le lien entre la peur et le plaisir. Il est également indispensable à la survie de l’individu car favorisant au tout début sa proximité avec la mère, il le protège ainsi des prédateurs. Par ailleurs rassuré par la présence maternelle, le jeune peut partir explorer sereinement son environnement, ce qui le prépare doucement à devenir autonome.
Ainsi d’abord attaché à sa mère, puis à son maître qui prend le relai du maternage vers l’âge de 2 mois, au moment de l’acquisition, le chien va entrer ensuite dans une nouvelle phase. Quand l’attachement à un être unique n’a plus lieu d’être car il a rempli toutes ses fonctions : protection, apprentissage des modalités de relations entre les individus, autonomie ; il disparait pour permettre la mise en place du comportement sexuel, marquant l’entrée dans l’âge adulte.
En effet, le lien d’attachement exclusif à un individu est alors remplacé chez le chien par un attachement à tout le groupe. Pour ce faire, le détachement est provoqué activement par la mère, assurant l’équilibre comportemental du futur adulte.
Il est donc primordial que nous en fassions de même à l’approche de l’âge de la puberté avec les chiens que nous adoptons au risque de générer un hyper-attachement pathologique avec des états de détresse en notre absence, caractérisés par des nuisances : dégâts matériels, malpropreté généralisée, vocalises.
Pour bien faire : vers l’âge de 4 mois, privilégier les contacts avec les différents membres de la famille, apprendre au chien à attendre et l’habituer à rester seul. Et bien-sûr, favoriser le jeu tout en partageant des activités en commun, génératrices de bien-être pour le chien mais également d’harmonie pour toute la famille !
Les troubles relationnels avec le maître : crise d’adolescence normale ou maladie comportementale ?
Comme nous l’avons compris, chez le chien, le détachement débouchant sur l’attachement au groupe entier ainsi que l’acquisition du comportement sexuel sont donc concomitants des bouleversements notamment hormonaux qui accompagnent la puberté.
Cette période est en parallèle, une phase de grande fragilité au cours de laquelle des troubles du comportement peuvent apparaître : fugues, agressions, désobéissance ou malpropreté.
Sont-ils le fait d’une simple crise d’adolescence ou d’un mal-être plus profond ?
La puberté est pour le chien le moment où il trouve sa place dans le groupe en testant le rôle de chacun de ses membres ou encore en vérifiant les règles établies. La motivation du chien change souvent sans que le maître n’ait vu grandir son chien. Les interactions au sein du groupe évoluent, tout comme la communication.
Ce qui peut constituer une simple crise normale ne doit pas se transformer en maladie de la relation. Cette dernière apparaît lorsque s’exprime de la souffrance du côté du chien comme du côté des maîtres, que les comportements problématiques persistent et s’aggravent dans le temps au delà de la puberté, ou encore que les relations existantes ne débouchent sur aucun apaisement permettant aux individus de se positionner avec sérénité et confiance les uns par rapport aux autres.
Comment remédier à cet état ?
L’aide d’un vétérinaire comportementaliste est souvent nécessaire car chaque groupe est unique et nécessite des conseils personnalisés axés sur les relations et la communication. Mais au-delà, des conseils simples restent de mise : comme un parent attentif, conscient qu’ordre et liberté ne s’opposent pas, « le maître doit rester le capitaine du navire » édictant des règles et posant des limites avec une fermeté bienveillante. Il doit inculquer au chien les autorisations et les interdits lui exprimant qu’il n’a rien à gérer puisque son maître est là pour conduire le groupe, ce qui aura un effet rassurant sur lui.
En cas de relation devenue pathologique, des médicaments favorisant les apprentissages, atténuant l’anxiété et l’impulsivité peuvent se révéler nécessaires, et même salvateurs !
La désocialisation : un risque chez le chien adolescent
Chez un chien, on appelle désocialisation, la perte de la capacité d’entrer en relation et de communiquer avec un autre individu, chien ou humain, celle-ci débouchant sur des conduites agressives telles que des agressions par irritation.
La socialisation précoce (entre 3 et 12 semaines) des chiens à leurs congénères et aux humains est indispensable pour favoriser des rapports harmonieux plus tard. Mais il apparaît cependant que d’autres facteurs interviennent, rendant certains chiens plus vulnérables que d’autres à une désocialisation brutale au moment de la puberté.
Ces facteurs sont notamment : les variations génétiques individuelles, la qualité de la socialisation précoce car celle-ci a pu être fragile ou incomplète, une coupure du monde dans les mois qui suivent l’adoption pour raison médicale par exemple, une expérience traumatisante dans la première année de vie comme une bagarre entre chiens, ou encore des facteurs biologiques ou des troubles sous-jacents développés dans la petite enfance.
De plus, comme chez l’humain adolescent, le cerveau du chien montre des différences de maturation entre ses parties cognitives, exécutives ou encore émotionnelles faisant également du chien adolescent un être hypersensible. Sans omettre que le chien peut être renforcé dans ses réponses comportementales en fonction des réactions de l’entourage, de sa position dans le groupe ou de la qualité de l’attachement qui le lie à ses maîtres.
La prévention passe par une socialisation précoce de qualité et son entretien ainsi que par un accompagnement dans un objectif de rééducation en cas d’apparition d’un d’évènement traumatique.
A l’adolescence, la prudence vise donc à repérer tout signe anormal (manifestations agressives) et à le signaler à son vétérinaire afin de prendre le plus tôt possible l’animal en charge, car un chien désocialisé peut devenir dangereux. Sauf prise en charge très précoce, la thérapie comportementale s’accompagne en général d’un traitement médicamenteux. L’évaluation du risque est toujours un corollaire indissociable.
Docteur Laurence Dillière Lesseur, Vétérinaire Comportementaliste
Diplômée de l’École Nationale Vétérinaire d’Alfort, titulaire du Diplôme Inter-Ecoles de Vétérinaire Comportementaliste et cofondatrice du site Catedog.com
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